Le dégriffage félin (l’onyxectomie):

Les risques, les conséquences, et les alternatives.

 

Pourquoi parler du dégriffage?

Eh bien, on sait que c’est une pratique très courante au Québec.  D’ailleurs, il semble souvent qu’il est aussi naturel d’emmener faire dégriffer son chat chez le vétérinaire que d'aller se donner une coupe de cheveux chez le coiffeur.  Les cliniques vétérinaires offrent le service et acceptent de le faire sans mot dire, et avec toute notre confiance, ce qui est normal. Cependant, peu de gens savent que l’onyxectomie est beaucoup plus qu’une simple manucure ou qu’un retrait des ongles.  C’est en fait une opération majeure et traumatisante pour le chat qui comporte des risques importants pour sa santé physique et son bien-être émotionnel.  Il y a pourtant beaucoup de monde, notamment en Europe, qui comprennent la gravité de cette chirurgie. Savez-vous que l’onyxectomie est illégale dans plusieurs pays incluant l’Angleterre, l’Allemagne, la Suède, la Suisse et la Belgique, et est considérée comme une pratique cruelle et inhumaine dans de nombreux autres?  Elle vient aussi d’être prononcée illégale dans une petite portion de la Californie, et il y a beaucoup de gens aux Etats-Unis qui espèrent voir cette loi faire la grandeur du pays.  Ça vous étonne?  Pour comprendre, nous allons voir plus en détail ce que c’est l’onyxectomie.

 

Détails sur la chirurgie:

L’onyxectomie est une opération chirurgicale faite uniquement pour convenir aux humains.

Elle consiste en une amputation de la dernière phalange de chaque doigt du chat afin d’y éliminer les griffes.  En comparant avec  nous-mêmes, c’est l’équivalent d’amputer le dernier tiers de la longueur de nos doigts.  C’est toutefois plus compliqué avec les chats puisque leurs griffes reposent sur un système complexe qui leur permet d’être rétractiles.  Pour les enlever, on coupe les tendons, les ligaments, et l’os qui les retient.  Si on dégriffe juste les pattes avant, ce sont dix amputations nettes et séparées que le chat subit.  Si on inclut les pattes arrière, vaut mieux pas y penser!

Il arrive que les suites de l’opération entraînent des complications comme des infections, des hémorragies ou des repousses anormales de griffes qui obligeraient de nouvelles chirurgies. Durant l’opération, le chat est mis sous une anesthésie générale assez longtemps et au réveil, sa douleur doit être apaisée avec de puissants analgésiques.  Ça se comprend!!

Le lien suivant vous montre avec des schémas la procédure du dégriffage, c'est-à-dire les parties enlevées durant l’intervention, ainsi que des exemples de complications postopératoires. Quoique le site soit anglophone,  les images seules sont très informatives et sont tirées de livres d’études de vétérinaires :

http://www.maxshouse.com/facts_about_declawing.htm

 

La convalescence:

La convalescence immédiate est lente et très douloureuse, et est souvent accompagnée d’un traumatisme que le chat se fait expert de cacher.  Il est difficile de deviner qu’un chat souffre, parce qu' il a l’instinct d’enfouir toute faiblesse qui normalement le rendrait vulnérable dans un milieu naturel non domestique.

Ensuite, si on devait en tant qu’humains subir une chirurgie semblable, on aurait au moins le loisir durant la convalescence de reposer nos pieds, soit en utilisant une chaise roulante ou des béquilles.  Ces options n’existent pas pour le chat qui, malgré ses souffrances, doit continuer à marcher, sauter et utiliser sa litière pour ses besoins.

Malheureusement, comme si ce n’était pas assez, les douleurs ne s’arrêtent pas là.  Puisque la dernière phalange de ses doigts est manquante, le chat doit dorénavant altérer sa démarche naturelle.  Il compensera alors en plaçant le poids de son corps sur le bout de la phalange précédente, ce qui entraînera graduellement une faiblesse au niveau des jambes, des épaules et du dos.  Il pourrait alors être affligé de douleurs musculaires chroniques pour le reste de sa vie, sans que l'on s'en rende compte.

 

Problèmes de comportement:

Plusieurs chats dégriffés demeurent avec un comportement stable, c’est vrai, mais ce n’est pas une garantie.  Voici les problèmes les plus couramment rapportés :

1.Le chat développe une aversion pour sa litière.  Il associe la boîte à la douleur ressentie en grattant le sable pour faire ses besoins, alors il l’évite.  Il choisit plutôt les surfaces planes, comme votre tapis préféré, que vous tentiez justement de protéger en dégriffant le chat!

2.Démuni des ses défenses principales, le chat demeure constamment anxieux et en état d’alerte.  Il n’hésite pas à mordre à la moindre intimidation et souvent sans avertissement, ce qui n’est pas tout à fait sécuritaire autour des enfants.

3.Ne revenant pas de son traumatisme postopératoire, le chat se replie sur lui-même et devient hostile et méfiant envers son entourage.  Sa personnalité change, il est maintenant triste et difficilement approchable... loin du chaton heureux et enjoué qu’il était auparavant.

 

Il se pourrait maintenant que vous pensiez : « Oui, mais mon ami Untel a fait dégriffer son chat, et il n’a eu aucun de ces problèmes »

Il est vrai que ces pépins n’arrivent pas avec tous les chats, mais il est possible que quand ils arrivent, ils passent tout simplement rapidement à l’histoire.  Ce n’est pas tous les propriétaires de chats dégriffés qui sont prêts à mettre l’énergie, la patience et le temps pour réparer les problèmes de comportement survenus.  D’ailleurs, ils ne s’y attendent presque jamais, car peu de vétérinaires en parlent avant la chirurgie.  Au Québec et aux Etats-Unis, l’onyxectomie représente une bonne partie des revenus pour les cliniques vétérinaires, alors peu d’entre eux discutent avec le client des risques impliqués.  L’argument préféré des vétérinaires pour justifier l’onyxectomie est qu’elle augmente les chances d’adoption pour les chats.   Mais souvent, le destin des chats qui répondent mal à cette chirurgie se termine anonymement, soit par un retour à la fourrière, ou bien par l’euthanasie.  C’est une idée bien triste, quand on a de la tendresse pour ces animaux fragiles.

 

Pourquoi les chats ont besoin de leurs griffes?

Premièrement, nous le savons tous, les griffes sont leur moyen de défense prioritaire.  La plupart des gens qui font dégriffer leurs chats ont l’intention de les garder à l’intérieur, mais les évasions sont toujours possibles et même fréquentes.  Il n’est pas rare aussi que des personnes ne résistent pas l’envie de laisser tout de même sortir le chat, surtout s’ils emménagent dans un lieu avec un parterre intéressant.  S’il est à l’extérieur, le chat aura besoin de ses griffes pour fuir un danger, comme par exemple un chien agressif.  Elles lui permettent alors d’avoir une bonne traction, pour courir plus vite, et surtout, pour grimper un arbre afin de s’y réfugier.  Ensuite, s’il est confronté à l’agresseur, c’est avec ses griffes que le chat s’en tirera le mieux, sa morsure étant bien inférieure à celle d’un chien!

Dans une autre situation, le chat peut s’évader et se perdre.  Il est de mon idée que ce n’est pas parce qu’un animal de compagnie disparaît de notre vie, qu’on ne doit pas avoir une certaine sympathie pour son sort.  En plus de lui donner son moyen de défense, le chat rendu seul aura besoin de ses griffes pour survivre et trouver de la nourriture, attraper des proies, des souris.  Le chat perdu sans griffes est parfaitement vulnérable, voué à un destin tragique.

Autrement qu’à l’extérieur, les griffes permettent au chat de bien étirer ses membres avant, lui assurant une bonne forme physique.  Les pattes intactes lui donne aussi sa parfaite agilité dont il a besoin pour courir, sauter, jouer et attraper ses jouets.  Elles sont aussi un moyen de communication pour le chat, qui exprime souvent son contentement avec de légers gestes de «massage» tout en ronronnant.  Bref, les griffes sont importantes pour sa protection, sa santé physique et son bonheur.

 

Une mutilation!

En résumé, dégriffer un chat est le mutiler.  La chirurgie ne lui apporte aucun bénéfice, lui donne de la douleur, ainsi qu’elle impose des risques à sa santé physique et émotionnelle, ce qui nous causerait aussi des désagréments.  D’ailleurs, du point de vue éthique, est-il acceptable de prendre un animal en parfaite santé, jouissant de tous ses attributs naturels et nous faisant entièrement confiance, pour l’emmener faire modifier par une chirurgie risquée, drastique et douloureuse, juste pour notre convenance personnelle?  Si nous désirons vraiment la compagnie d’un chat, n’est-ce pas normal de l’accepter dans son intégrité, et de s’y adapter du mieux possible, en utilisant des moyens plus humains qu’un handicap permanent?

À ce point, vous devez vous demander si le chat est bien le compagnon idéal pour vous et votre maisonnette, surtout si vous avez de jolis meubles à protéger.  C’est à vous de répondre à cette question, mais sachez qu’avec de la patience, du temps et de l’amour, il est tout à fait possible d’avoir les deux.

 

Les alternatives:

Avant tout, il faut comprendre qu’il est impossible d’empêcher un chat de « faire » ses griffes. C’est un comportement naturel pour lui qui utilise ce moyen afin de:

1. Marquer son territoire.  Le chat a des glandes odorantes aux pattes qui laissent son odeur, donc son identité, sur l’endroit choisit.  C’est la raison pour laquelle les chats se servent souvent des meubles les plus en vues dans la maison.

2. Libérer les vieilles cosses qui couvrent les nouvelles griffes toute fraîches.

3. Travailler les muscles des pattes avant et bien les étirer.

4. Se faire plaisir. Ca leur fait tout simplement du bien.

Alors ce qu’on doit faire c’est diriger cette tendance dans la bonne direction, vers les endroits que nous désignons comme permis. Il importe pour cela de fournir au chat les accessoires dont il aura besoin.

 

Les poteaux à griffes:

On les trouve dans les animaleries mais vous pourriez aussi en construire un vous-même, ce qui vous donnerait l’avantage de choisir le matériel pour le couvrir.  La base doit être large et solide pour éviter tout risque de balancement, ce qui repousserait le chat en permanence, et la poutre doit être assez haute pour lui permettre de s’étirer sur toute sa longueur.  Le pin et le cèdre sont de bon choix..

Observez ce qui attire le plus votre chat.  L’idéal est de couvrir le poteau de corde de sisal.  Autrement, afin d’être attrayant, le matériel doit être fort et rugueux.  Ce pourrait être un tapis dur, qui peut même être retourné pour plus de rigidité, ou bien un tissu de recouvrement de meuble très résistant, ou bien même une combinaison de ces matériaux.  Le bois naturel tout cru peut aussi bien faire l’affaire de votre chat.

Le poteau doit être placé dans un endroit actif de la demeure, et non caché dans un coin, car le chat a besoin d’être là près de vous pour attirer votre attention à son jeu.  Si vous n’avez pas encore votre chat, veillez à ce que le poteau soit prêt avant son arrivé.  S’il s’est déjà attaqué à un meuble, placez le poteau près de cet endroit.

Une fois le poteau installé, il faut procéder à l’entraînement, car le chat ne devine pas tout de suite que ce meuble lui est désigné.  Durant la période d’entraînement, protégez vos meubles de vieux draps ou bien de papier à double côté collant pour minimiser leur attrait.  Remontez vos rideaux hors d’accès si vous avez un chaton « grimpeur ».  Pour débuter l’entraînement, agitez un jouet ou une corde au-dessus du poteau jusqu’à ce que le chat s’y accroche pour l’attraper.  Répétez fréquemment ce jeu durant plusieurs jours, en récompensant votre chat de gâteries quand il plonge ses griffes dans la poutre, quand il y grimpe, et bien sûr, quand il y fait ses griffes. Concentrez toujours vos jeux autour de la poutre, et saupoudrez-la d’herbe à chat ou de valériane pour plus d’attrait.  Le chat doit toujours associé sont poteau à griffe à une source de plaisir, ce qui stimulera son désir de se l’approprier.

Si le chat persiste à griffer les endroits interdits, voici quelques moyens pour le décourager. Vaporiser sur l’endroit un répulsif disponible dans les animaleries, ou bien un parfum de pièce à senteur forte d’agrumes, ce qui normalement repousse les chats.  L’idée est d’éliminer l’odeur de territoire laissée auparavant par le griffage.

Aussitôt que vous l’attrapez sur le fait, faites un bruit fort et désagréable pour le chat, comme un «Non! » clair et autoritaire, ou bien secouez une canne d’aluminium contenant des pièces de monnaie.  Vous pouvez aussi garder à la portée de la main un vaporisateur rempli d’eau et lui envoyer un jet pour le surprendre et l’interrompre.

Ce qu’il ne faut pas faire :

Au moment où il brise la loi, il faut à tout prix éviter de traîner le chat à son poteau pour lui «expliquer » où il doit faire ses griffes.  N’oubliez pas que le poteau doit représenter pour lui une source de plaisir.  Si vous l’y emmenez d’un geste de colère, ça pourrait ruiner le tout.  Attendez plutôt qu’il l’utilise de lui-même et récompensez le à ce moment.

Ensuite, les punitions physiques sont incomprises par le chat, qui n’est pas un animal de rang social comme le chien mais plutôt un indépendant.  Il se mettrait à avoir peur de vous et éviterait tout simplement de faire ses griffes en votre présence.

Entraîner un chat à utiliser son poteau à griffe peut prendre un certain temps, et exige de la patience, tout comme il faut s’appliquer pour entraîner un chiot à faire ses besoins à l’extérieur.  Il faut persister jusqu’au succès.

 

Tailler les griffes:

Tailler les griffes minimise beaucoup les dommages, mais je vous conseille de garder quand même un poteau à griffes pour encourager les bonnes habitudes.  Les vétérinaires taillent régulièrement les griffes des chats alors profitez de votre première visite pour demander qu’ils vous montrent précisément la bonne méthode.  Il est suggéré d’habituer graduellement le chat à se faire manipuler les pattes avant de procéder à la première coupe, car il offrira sûrement de la résistance.  Il est très important de couper seulement le tout dernier bout pointu de l’extrémité de la griffe pour éviter de blesser le chat en touchant la partie rose plus opaque. Il y a des tailles-griffes disponibles dans les animaleries mais les coupe-ongles ordinaires font aussi bien l’affaire.

 

Quelques autres options :

1. L’arbre à chat. C’est un meuble exprès pour eux, monté avec de multiples poteaux et planches qui forment des étages. C’est l’objet de rêve pour les chats (surtout les chatons) qui pour la plupart oublieront l’existence de vos meubles.  Pour vous donner une idée, voici un site américain qui présente une très grande gamme de meubles à chat ainsi que de poteaux à griffes. Vous pourriez le visiter ne serait-ce que pour vous inspirer dans vos propres créations.  Cliquez sur les images pour voir encore plus d’images!!:   http://www.angelicalcat.com/products.shtml

En voici un autre, plus près de chez nous :  http://www.woodruffforpets.com/furniture.html

 

Chez moi, nous avons construit deux arbres à chat et je ne les trouve pas du tout encombrants. D’ailleurs, vos invités trouveraient sympathique de voir le ou les chats s’amuser sur leur condo privé!

2. Les faux ongles. Eh oui!! Ils existent pour les chats aussi! Ce sont de petits caps de vinyle à coller sur les griffes pour les rendre douces et inoffensives. Ils ont toutefois le désavantage de ne pas être permanents, et demandes à être remplacés lorsqu’ils tombent. Ils sont aussi disponibles pour les chiens. http://www.softpaws.com/   Prenez garde, ceci n’est pas une option pour les chats qui vont à l’extérieur.

 

Sites d’intérêt :

Il n'y a pas de sites francophones sur le sujet.. alors il faut se forcer en anglais.

Les sites anglophones qui découragent l’onyxectomie ne se comptent plus, alors voici deux pages répertoires des sites majeurs d’informations sur le dégriffage et ses alternatives:

http://www.de-clawinq.com/

http://amby.com/cat_site/declaw.html

Si vous avez des questions sur le sujet, ou sur les sites Web que j'ai mentionné, contactez-moi par email :    Élaine V.   chakashiva@yahoo.ca

 

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